mercredi 17 décembre 2008

Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim



Henri Corneille Agrippa de Nettesheim, dit Cornelius Agrippa ou encore Agrippa de Nettesheim, est considéré comme un savant occultiste ou ésotériste. Le jésuite Marc-Antoine Del Rio l'appelle Archimage.

"Le véritable nom de sa famille est Cornelis ; il y joignit Agrippa, tiré de l'ancien nom de Cologne (Colonia Agrippina), son lieu de naissance, et y ajouta ab Nettesheim, ce qui donne en latin, avec le nom de baptême, Henricus Cornelius Agrippa ab Nettesheim. En français il fut appelé tantôt Cornille Agrippa, tantôt Corneille Agrippa, ou C. Agrippe."[

Médecin et philosophe, contemporain d'Erasme, l'un des plus savants hommes de son temps, dont on l'a appelé le Trismégiste, mais doué d'ex­travagance ; né a Cologne en 1486, mort en 1535, après une carrière orageuse, chez le receveur général de Grenoble, et non à Lyon, ni dans un hôpital, comme quelques-uns l'ont écrit. Il avait été lie avec tous les grands personnages et recherché de tous les princes de son époque. Chargé souvent de négociations politiques, il fit de nombreux voyages que Thevet, dans ses vies des hommes illustres, attribue à la manie « de faire partout des tours de son métier de magicien ; ce qui le faisait reconnaître et chasser incontinent. »

Les démonologues, qui sont furieux contre lui, disent qu'on ne peut le représenter que comme un hibou, a cause de sa laideur ma­gique; et de crédules narrateurs ont écrit gravement que, dans ses voyages, il avait coutume de payer ses hôtes en monnaie, fort bonne en apparence, mais qui se changeait, au bout de quelques jours, en petits morceaux de corne, de coquille ou de cuir, et quelquefois en feuilles d'arbres.

II est vrai qu’à vingt ans il travaillait à la chrysopée ou alchimie ; mais il ne trouva jamais le secret du grand oeuvre. II est vrai aussi qu'il était curieux de choses étranges, et qu'il aimait les paradoxes : son livre de la Vanité des sciences, que l'on considère comme son chef-d'oeuvre, en est une preuve. Mais au chapitre XIII de ce livre, il déclame contre la magie et les arts supersti­tieux. Si donc il fut oblige plus d'une fois de prendre la fuite pour se soustraire aux mauvais traitements de la populace, qui l’accusait de sorcellerie, n'est-il pas permis de croire ou que son esprit caustique , et peut être ses moeurs mal réglées, lui faisaient des ennemis , ou que son caractère d'agent diplomatique le mettait souvent dans des situations périlleuses, ou que la médecine empirique, qu'il exerçait, l'exposait a des catastrophes ; a moins qu’il ne faille croire, en effet, que cet homme avait réellement étudie la magie dans ces universités mystérieuses dont nous ne savons pas encore les secrets?.

Quoi qu'il en soit, Louise de Savoie, mère de François 1er, le prit pour son médecin. Elle voulait qu’il fût aussi son astrologue, ce qu'il refusa. Et pourtant on, soutient qu'il prédisait au trop fameux connétable de Bourbon des succès contre la France.

Si cette allégation est vraie, C'était semer la trahison, et Agrippa était un fripon ou un fourbe.

Mais on établit encore l'éloignement d'Agrippa pour le charlatanisme des sorciers en rappelant ce fait, que, pendant le séjour qu'il fit a Metz, remplissant les fonctions de syndic ou avocat général (car cet homme fit tous les métiers), il s'éleva très vivement contre le réquisitoire de Nicolas Savin, qui voulait faire brûler comme sorcière une paysanne. La spirituelle et vive éloquence d'Agrippa fit absoudre cette fille. A cela les partisans de Ia sorcellerie d'Agrippa répon­dent qu'il n'est pas étonnant qu'un pareil compère ait défendu ceux qui pratiquaient la magie, puisqu'il la pratiquait.

Ils ajoutent que, tandis qu'il professait a l'université de Louvain, il infecta ses écoliers d'idées magiques. « Un de ses élèves, lisant auprès de lui un certain livre de conjura­tions, fut étranglé par le diable. Agrippa, craignant qu'on ne le soupçonnât d'être l'auteur on la cause de cette mort arrivée dans sa chambre, commanda a l'esprit malin d'entrer dans le corps qu'il venait d'étouffer, de ranimer le jeune homme et de lui faire faire avant de le quitter sept ou huit tours sur la place publique. Le diable obéit ; le corps du jeune étranglé, après avoir parade pendant quelques minutes, tomba sans vie devant la multitude de ses camarades, qui crurent que ce n'était la qu'une mort su­bite »

Ce ne fut pas pourtant a cause de semblables faits qu'il partit de cette ville savante. Ce fut parce qu'il s'y était fait des ennemis, a qui il donna un prétexte par la publication de son ouvrage de la Philosophie occulte. On accusa ce livre d'hérésie et de magie ; et, en attendant qu'il fût juge, l'auteur passa une année dans les prisons de Bruxelles. II en fut tire par l'archevêque de Cologne, qui avait accepte la dédicace du livre, dont il reconnut publiquement que l'auteur n'était pas sorcier.

Les pensées de ce livre et celles que Ie même savant exposa dans son com­mentaire In artem brevem Raymundi Lullii, ne sont que des rêveries. Ce qui surtout a fait passer Agrippa pour un grand magicien, c'est un fatras plein de cérémonies magiques et superstitieuses qu'on publia sous son nom, vingt-sept ans après sa mort, qu'on donna comme Ie quatrième livre de sa Philosophie occulte, et qui n'est qu'un ramassis de frag­ments décousus de Pierre d'Apone, de Picto­rius, et d'autres songes creux.

Cependant Delancre ne porte son accusation que sur les trois premiers livres. « Agrippa, dit-il, composa trois livres assez grands sur Ia magie démoniaque ; mais il confessa qu'il n'avait jamais eu aucun commerce avec le démon, et que Ia magie et la sorcellerie ( hors les maléfices) consis­taient seulement en quelques prestiges, au moyen desquels l'esprit malin trompe les ignorants. » — Thevet n'admet pas ces palliatifs « On ne peut nier, dit-il, qu'Agrippa n'ait été ensorcelé de la plus fine et exécrable magie, de laquelle, au vu et au su de chacun, il a fait profession manifeste. II était si subtil, qu'il grippait de ses mains crochues des trésors que beaucoup de vaillants capi­taines ne pouvaient gagner par le cliquetis de leurs armes et leurs combats furieux. Il composa le livre de la Philosophie occulte, censuré par les chrétiens, pour lequel il fut chassé de Flandre, ou il ne put dorénavant être souffert; de manière qu'il prit la route d'Ita­lie, qu'il empoisonna tellement que plusieurs gens de bien lui donnèrent encore la chasse, et il n'eut rien de plus hâtif que de se retirer a Dole. Enfin il se rendit a Lyon, dénué de facultés ; il y employa toutes sortes de moyens pour vivoter, remuant le mieux qu'il pouvait la queue du bâton ; mais il gagnait si peu, qu'il mourut en un chétif cabaret, abhorré de tout le monde, et détesté comme un magicien maudit , parce que toujours il menait en sa compagnie un diable sous la figure d'un chien noir. »

Paul Jove ajoute qu'aux approches de sa mort, comme on le pressait de se repentir, ôta a ce chien, qui était son démon familier, un collier garni de clous qui formaient des inscriptions nécromantiques, et lui dit : va t’en, malheureuse bête, c'est toi qui m’as perdu; qu'alors le chien prit aussitôt la fuite vers la rivière de Saône, s'y jeta la tête en avant et ne reparut plus.

Delancre rapporte autrement cette mort, qui n'eut pas lieu dans un cabaret de Lyon, mais, comme nous l’avons dit, à Grenoble. « Ce misérable Agrippa, dit-il, fut si aveugle du diable, auquel il s'était soumis, qu'encore connut très bien sa perfidie et ses arti­fices, il ne les put éviter, étant si bien enve­loppé dans les rets d'icelui diable, qu'il lui avait persuadé que, s'il voulait se laisser tuer, la mort n'aurait nul pouvoir sur et qu'il le ressusciterait et le rendrait immortel ; ce qui advint autrement, car Agrippa s'étant fait couper la tête, prévenu de cette fausse espérance, le diable se moqua de lui et ne voulut (aussi ne le pouvait-il) lui redonner la vie ,pour lui laisser le moyen de déplorer ses crimes. »

Wierus, qui fut disciple d'Agrippa, dit qu'en effet cet homme avait beaucoup d'af­fection pour les chiens, qu'on en voyait con­stamment deux dans son étude, dont l’un se nommait Monsieur et l'autre Mademoiselle, et qu'on prétendait que ces deux chiens noirs étaient deux diables déguisés. — Tout cela n'empêche pas qu'on ne soit persuadé dans quelques provinces arriérées, qu'Agrippa n'est pas plus mort que Nicolas Flamel, et qu'il se conserve dans un coin, ou par I'art magique, ou par l'élixir de longue vie.

Migne - Dictionnaire des sciences occultes.